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   Professionnelle                                                                                                                                                            AF








            AF       Source : le Média social le 24/03/2020
                     Par Laetitia DELHON

            PJJ ET PROTECTION DE L’ENFANCE :
            LA DIFFICILE GESTION DU CONFINEMENT


            Hier, à J+7, le confinement lié au Covid-19 dans les établissements de protection de l’en-
            fance et habilités PJJ devenait déjà difficile.
   34       À Toulouse et alentour, des professionnels témoignent d’un quotidien en effectif réduit, sans                                                                                                                                35
            appui sur l’extérieur et sans matériel de protection.


            « Nous nous occupons des enfants de l’État, pourtant nous n’avons aucune reconnaissan-
            ce, nous ne faisons pas partie des professionnels dits «prioritaires».
            Je voudrais qu’on nous entende ! (*) », Anne Dufour, directrice d’un centre éducatif ouvert
            habilité protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) situé en banlieue de Toulouse et géré par
            l’association Ades Europe, oscille entre colère et impuissance. Elle décrivait hier une situa-
            tion devenue très difficile dans son établissement.

            Le centre accueille 11 jeunes, majoritairement mineurs non accompagnés, en alternative à
            l’incarcération. Ayant pour vocation de les soutenir dans leur réinsertion sociale, il est ouvert
            sur l’extérieur pour l’accès à des stages, des formations, l’emploi et des activités.
            Seule obligation, d’ordinaire : être de retour le soir.



                    Fugues et mises en danger

                                                                                                                                   Les jeunes du centre éducatif en pleine désinfection du mobilier de cuisine, accompagnés d’un éducateur. - © DR
            « Depuis sept jours, les jeunes sont évidemment confinés. Il faut gérer leurs peurs, souvent
            dues à l’absence de nouvelles de leur famille, et aussi leurs problématiques d’addiction. Ils
            ne peuvent plus sortir pour aller s’acheter de quoi consommer, ce qui génère des fugues et                             Des jeux de société et une console complètent l’attirail « loisirs », mais n’empêchent pas
            des mises en danger », décrit la directrice.                                                                           certaines montées de tension, inévitables chez des jeunes en reconstruction, habitués à
                                                                                                                                   sortir et désormais en vase clos.
                                                                                                                                   Solidarité associative
            Pour les accompagner, le nombre d’éducateurs est réduit de moitié. « Certains avaient des
            symptômes de type rhume ou trachéite et ont été placés en arrêt maladie par précaution,
            d’autres ont des pathologies qui les rendent vulnérables et doivent rester chez eux », pour-                           « Je voudrais qu’on salue le courage des professionnels. Notre cuisinier souffre de diabète,
            suit Anne Dufour. Le centre fonctionne désormais avec deux éducateurs par jour au lieu de                              il devrait être arrêté mais il vient quand même car il sait à quel point l’alimentation est im-
            quatre, et un veilleur de nuit.                                                                                        portante pour les jeunes en ce moment ».
                                                                                                                                   Anne Dufour peut aussi compter sur la « solidarité associative » au sein d’Ades Europe, qui
                    Des professionnels fatigués                                                                                    gère une douzaine d’établissements et services en Haute-Garonne, Ariège, Gers et dans
                                                                                                                                   les Hautes-Pyrénées.
                                                                                                                                   « Un de nos jeunes qui était rentré chez lui pour y vivre le confinement a finalement fugué,
            « Avec cette équipe affaiblie, les journées sont forcément beaucoup plus longues, les pro-                             il est revenu sur le centre et ne voulait pas rester confiné. Nous l’avons emmené dans un
            fessionnels en poste très fatigués. Ils craignent aussi d’être contaminés par le virus, de le                          centre éducatif fermé géré par l’association pour qu’il soit pris en charge pendant cinq
            ramener au centre et dans leurs familles. Car ils n’ont évidemment pas de masque pour                                  jours. Et un des salariés de centre est venu en renfort chez nous ».
            travailler ».

            Heureusement  les  jeunes  peuvent  s’aérer  dans  le  grand  espace  champ  attenant  à  ce                                   Jusqu’à 30 % du personnel en arrêt
            corps de ferme toulousain. « Nous avons installé un terrain de foot, avons pu acheter des                                                                                                                                         Rubrique Professionnelle
            ballons et des raquettes de ping-pong. On peut manger dehors aussi, faire des barbecues.
            Nous passons aussi beaucoup de temps avec eux à nettoyer le centre, les chambres, dé-                                  Nicolas Gaddoni, directeur général d’Ades Europe, estime qu’entre 25 % et 30 % du person-
            sinfecter ».                                                                                                           nel sur l’ensemble des établissements est en arrêt maladie.




                                                                                                             <                                                                                                                       <
                                      Bulletin d’information n° 77 de l’                - Avril 2020                                                          Bulletin d’information n° 77 de l’                - Avril 2020
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